Encourager « l’intelligence de la main ». La célèbre formule, est de Jean-Pierre Raffarin, qui, en 2002 opposait savoirs concrets et savoirs abstraits ; les mains seraient les outils de certains, quand d’autres s’appuient sur leur cerveau.
Le leitmotiv des ministres de l’Éducation nationale qui se sont succédés depuis était, dès lors, dicté : valoriser la voie professionnelle. Les têtes passent, les idées restent.
L’orientation précoce qui plus est par l’échec, c’est l’idée de la professionnalisation dès le collège : réforme phare défendue par Nicolas Sarkozy durant son mandat. Un élève en échec scolaire ne devra avoir qu’une voie possible : la professionnalisation. Un drôle de constat d’échec de notre système éducatif.
Maintenant François Hollande annonce qu’un projet de loi sur la réforme de la formation professionnelle serait «prêt» d’ici à la fin de l’année afin de remettre de l’ordre dans le système et de le recentrer sur les jeunes et les chômeurs. Coût du projet : 32 milliards d’euros
François Hollande veut en particulier un recentrage de la formation professionnelle sur les demandeurs d’emploi qui ne représentent que 13% de l’effort financier global et sur les jeunes dont un quart aussi est au chômage.
Avec les contrats de génération, les emplois d’avenir ou les contrats aidés, la réforme de la formation professionnelle complétera une politique de l’emploi «cohérente», selon François Hollande. Elle permettra, a-t-il réaffirmé, «d’inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année» .
Pour parvenir à inverser la courbe du chômage, le président compte donc en particulier sur la formation professionnelle qui doit permettre de rapprocher les 300.000 offres d’emplois qui ne trouvent pas preneurs. «Il nous faut régler une fois pour toutes cette adéquation», a-t-il ajouté.
Mais il s’agit aussi, ont précisé ses conseillers, de «mettre de l’ordre dans les relations un peu compliquées entre l’État, les partenaires sociaux, Pôle emploi et les régions» qui financent plus de la moitié de l’effort de formation.
Appelant lui-même à une «clarification», François Hollande a précisé que l’État devait être «pilote en matière d’emploi» et les régions «en matière de formation des jeunes et des demandeurs d’emploi».
55 000 organismes de formation différents
Le chef de l’État a demandé à Michel Sapin (ministre du Travail) et Thierry Repentin (Formation professionnelle) de mener la concertation avec les organisations syndicales dans l’espoir d’aboutir à un projet de loi avant la fin de l’année. Objectif : simplifier un système qui mobilise pas moins de 55 000 organismes de formation. Et, accessoirement, si l’État peut faire quelques économies, ce ne sera pas de refus.
François Hollande l’a clairement fait comprendre : «On peut faire mieux en dépensant peut-être moins.» Faire plus avec moins : voilà parfaitement résumée la feuille de route du gouvernement.
Professionnalisation, une fausse bonne idée ?
Mais on peut s’interroger plus largement sur les politiques de professionnalisation développées après le collège. La hausse massive du nombre d’apprentis prévue dans le cadre de la loi de cohésion sociale de Nicolas Sarkozy avait beaucoup inquiété. Celle-ci prévoyait l’augmentation, à hauteur de plus 40 %, du nombre d’apprentis en cinq ans, de 350 000 à 500 000 en 2010. On est en 2013 et le nombre d‘apprentis est de 419 000. Donc un premier calendrier qui a eu du mal à être respecté en 5 ans.
En terme de calendrier le gouvernement est peut-être un peu ambitieux puisque l’objectif est de résorber le chômage avec ces reformes d’ici à 2014 en se basant en premier lieu sur la professionnalisation. Alors qu’avec le premier calendrier sous Nicolas Sarkozy, cela a pris 5 ans pour créer 150.000 apprentis. Qui plus est entre 2010 et 2012, le nombre de contrats de professionnalisation n’a été attribué qu’à 1000 personnes en plus malgré la volonté affichée du gouvernement sortant.
Deuxième problème : le paradoxe de la formation professionnelle.
Elle bénéficie d’abord aux cadres, aux salariés de moins de 40 ans et à ceux qui ont une bonne formation initiale, bref à ceux qui en ont peut-être le moins besoin. Les autres catégories restent dans l’angle mort. Alors arrivera-t-on réellement à mettre en place un objectif chiffré qui démocratise la professionnalisation d’ici 2014 ?
Sans remettre en cause le principe même, les syndicats du secondaire ne peuvent s’empêcher de noter la mise en concurrence qui s’établit ainsi entre les formations sous statut d’apprentissage et celles sous statut scolaire. « Cela se fera forcément au détriment du service public », relève Jean-Claude Duchamp, secrétaire national du SNUEP-FSU (syndicat national de l’enseignement professionnel). « À terme, la crainte que l’offre proposée par les lycées professionnels (LP) ne se réduise, que des filières disparaissent localement, et que le niveau des formations initiales régresse. ». Le SE-UNSA redoute également une déqualification des jeunes, notant l’assouplissement des conditions dans lesquelles ils seront accueillis en CFA (centre de formation d’apprentis).
Le doublement du nombre d’apprentis ne passe que par un seul moyen : baisser les critères d’entrée dans ces formations. Cet état de fait va à l’encontre même du projet de valorisation des filières professionnelles.
Bilan
On peut aussi remarquer que le risque de la professionnalisation des cursus peut mener à un trop gros poids des entreprises dans la transmission des savoirs et des savoir-faire. Les critères de rentabilité et de concurrence desservent le contenu des filières.
Suite à cette généralisation, soyons certains d’une chose, les contrats de professionnalisation ou d’alternance seront une variable d’ajustement pour les entreprises. C’est une façon facile d’avoir un vivier de recrutement à moindre coût et dont on peut se débarrasser facilement.
Toutes ces interrogations feront l’objet d’une réflexion approfondie durant l’année. Et autant de réponses devront être apportées dans l’urgence par le gouvernement, ce, en seulement 1 an. Rendez-vous fin 2013 pour plus d’informations.